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Licornes à impact: vers une vision globale de la valeur créée

Jean-Michel Caye Quentin Decouvelaere Caroline Neyron Jérôme Schatzman Bernard Leca Elise Leclerc

A. Relever les défis contemporains avec de nouvelles licornes

En 2023, la France a vu un investissement record de 100 milliards d’euros dans des projets verts et durables, ce malgré́ les dernières années marquées par la crise énergétique, une inflation record en zone euro et un resserrement monétaire important. Cette dynamique d’investissements durables est nécessaire pour faire face à ces crises écologiques et sociales actuelles. Pour y répondre, il est nécessaire de développer rapidement et à grande échelle des solutions innovantes et de rupture. En effet, les besoins en investissements dans l’environnement, le secteur de la santé et le développement social continuent de croître - soulignant ainsi l’importance de soutenir les start-ups à impact à la hauteur de la valeur qu’elles apportent à la société.

B. Des champions de la transition en émergence

Avec 1142 start-ups générant un impact significatif sur l’environnement et la société, l’écosystème des entreprises à impact en France montre une résilience et une maturité remarquables. Employant 32 000 personnes, ces start-ups continuent de croître et d’attirer des capitaux, ayant levé 10 milliards d’euros depuis leur création. Pour ces start-ups à impact, la mesure de l’impact positif qu’elles génèrent est centrale car elle permet de prouver leur efficacité. Ainsi, 85 % des startups à impact mesurent l’impact positif qu’elles génèrent.

Quatre secteurs se distinguent particulièrement par leur nombre de start-ups représentées :

-  l’Énergie (12 % des start-ups, 4 500 salariés, plus de 3 milliards d’euros levés);

- l’Économie circulaire (12% des start-ups, 3 600 salariés, 900 millions d’euros levés);

- l’Agriculture (11 % des start-ups, 4 400 salariés, 1,4 milliard d’euros levés);

- la Mobilité (11 % des start-ups, 4 000 salariés, 1,6 milliard d’euros levés).

Malgré les difficultés économiques rencontrées en 2023 résultant de la situation géopolitique et monétaire, les start-ups à impact continuent de croître et jouent un rôle crucial dans la transition écologique et sociale. Les start-ups capables de développer rapidement des solutions massives et généralisables doivent être valorisées pour leur potentiel à transformer de manière significative le paysage social et environnemental. Pour identifier les licornes à impact capables de relever les grands défis écologiques et sociaux, une nouvelle définition des licornes est nécessaire. Celle-ci doit intégrer le potentiel économique - la valeur créée pour les actionnaires - mais aussi la valeur créée pour la société - les bénéfices sociaux et environnementaux découlant de l’action des start-ups à impact.

C. Réévaluer les critères de succès

En mars 2023, le BCG et le Mouvement Impact France, en collaboration avec le Laboratoire d’Évaluation et de Mesure de l’Impact Social et Environnemental (E&MISE) de l’ESSEC Business School, s’associaient dans le cadre de la publication d’une étude visant à proposer une définition de la licorne à impact et la substitution du critère de valorisation financière par celui de la valeur sociale et environnementale créée, dont le montant des coûts que ces entreprises évitent à la société.

En utilisant une méthodologie des coûts directs évités aux pouvoirs publics, le volet 2023 a révélé que les entreprises du panel permettent d’éviter des coûts équivalents à 30 % de leur chiffre d’affaires à la société. Elles sont donc nettement « profitables » pour la société. Si ces coûts évités étaient pris en charge par l’État et ajoutés au chiffre d’affaires de ces entreprises, leur résultat net deviendrait largement positif, d’environ 12 % du chiffre d’affaires. Par exemple, l’impact de Phenix, une entreprise qui valorise et redistribue les invendus alimentaires, a été estimé à 7,1 millions d’euros de coûts évités par an, en réduisant le gaspillage alimentaire, évitant ainsi des tonnes de CO2 autrement dégagées. Ces résultats montrent le potentiel de ces entreprises à atteindre le seuil des 50 millions d’euros de coûts évités annuellement, nécessaires pour accéder au stade de licorne à impact (en faisant l’hypothèse d’une valorisation égale à 20x l’EBITDA). Cependant, en se concentrant uniquement sur les coûts directs évités, cette évaluation reste incomplète.

D. Mieux prendre en compte la valeur créée

En effet, afin de capturer et valoriser l’ensemble de la valeur créée pour l’en- semble des parties prenantes (pouvoirs publics, bénéficiaires, clients, etc.), le nouveau volet de cette étude a pour objectif de mettre en lumière une méthodologie de calcul plus complète. En incluant la création de valeur indirecte à d’autres parties prenantes que la puissance publique, telle que la réduction du stress, l’amélioration de l’employabilité ou encore la réduction de la récidive grâce à l’insertion professionnelle, nous tentons d’apprécier l’impact global des entreprises à impact.

Par exemple, Phenix, qui lutte contre le gaspillage alimentaire en premier lieu, améliore aussi la santé de ses bénéficiaires en rendant accessible l’accès à une alimentation plus variée et nutritive et permet la réduction des emballages non biodégradables. May Santé, en plus des consultations de santé évitées, permet de réduire le stress et redonner confiance aux jeunes parents, évitant ainsi des séances de thérapie et des jours d’absentéisme potentiels. De même, Café Joyeux, qui garantit une plus grande autonomie financière pour les salariés en situation de handicap, crée aussi de la valeur par le changement de regard provoqué ainsi qu’une augmentation significative du bien-être des ces derniers et de leurs familles. Quai Liberté, en plus de réduire le risque de récidive des ex-détenus, améliore la qualité de vie de ces individus et de leurs proches grâce au renforcement de leurs compétences professionnelles et de leur pouvoir d’achat, favorisant une réinsertion durable dans la société.

Ces exemples montrent que les coûts directs évités aux pouvoirs publics ne représentent qu’une partie de la valeur créée par les entreprises à impact. En intégrant la valeur créée indirecte, cette étude révèle une appréciation plus juste de leur véritable impact: en moyenne, les coûts évités et la valeur créée correspondent à 130 % du chiffre d’affaires des entreprises évaluées.

En tenant compte des coûts directs et indirects évités à la société et à l’environnement, la valeur totale créée par les entreprises étudiées est estimée à:

- 26,4 millions d’euros pour Phenix;

- 23,2 millions d’euros pour Simplon;

- 3,3 millions d’euros pour May;

- 0,8 million d’euros pour Quai Liberté.