Quelle sobriété pour les entreprises ? Vingt grands dirigeants français expriment leur vision
Paris—Le 6 octobre dernier, le gouvernement présentait son plan de sobriété énergétique. Cette forme de sobriété ne représente qu’une partie de la réponse à la crise écologique. Celle-ci appelle en effet à une sobriété plus structurelle, ne se limitant pas à l’énergie, et à une révision profonde de nos façons de produire et de consommer. Comment les grandes entreprises se saisissent-elles de ce sujet ? Dans son rapport intitulé « L’entreprise sobre : se réinventer en respectant les limites planétaires » qui paraît aujourd’hui, le BCG analyse la nécessité pour les entreprises de s’emparer du sujet de la sobriété et l’ampleur de la transformation requise. Il traite de la façon dont elles se transforment, et de leurs attentes, en s’appuyant notamment sur le point de vue de plusieurs grands dirigeants français. Une vingtaine d’entre eux, à la tête d’entreprises de secteurs variés (Florent Menegaux, Président du groupe Michelin ; Benoit Bazin, DG de Saint Gobain, Christel Bories, PDG d’Eramet, Olivier Andriès, DG de Safran ou encore Alexandre Ricard, PDG de Pernod Ricard…), ont accepté de partager leur définition de la sobriété et la façon dont ils l’intègrent à leur stratégie.
Une démarche complexe mais qui procure des avantages concurrentiels
Les entreprises, et tous les acteurs du système économique global, contribuent au franchissement des limites planétaires et en subissent également les effets. Ces limites sont au nombre de neuf, identifiées et quantifiées dans un cadre scientifique de référence1 : le climat, la biodiversité, les sols, l’eau douce, l’acidification des océans, les cycles de l’azote et du phosphore, la pollution chimique, les aérosols émis dans l’atmosphère, la couche d’ozone. Parmi elles, six ont aujourd’hui déjà été franchies : cela signifie que leurs seuils de sûreté ont été dépassés, mettant ainsi l’environnement en danger de manière inédite.
De fait, les entreprises voient leur activité perturbée par les conséquences de ces dépassements. Elles sont également poussées à agir par leurs consommateurs, leurs salariés, leurs investisseurs ainsi que par les régulateurs. Loin de se concentrer sur la seule réduction carbone, leurs démarches de transformation doivent prendre en compte l’ensemble de ces limites planétaires.
De nombreuses initiatives ont déjà été lancées, il s’agit maintenant de déployer la transformation à l’échelle. Un sujet complexe, car devenir réellement sobre suppose de repenser l’activité dans sa totalité. Et amène à rediscuter l’impératif de croissance tel qu’il est communément partagé aujourd’hui.
« Au-delà de sa nécessité, les dirigeants s’accordent pour reconnaître que la sobriété peut aussi représenter un avantage concurrentiel pour les sociétés qui sauront se transformer à la bonne vitesse, explique Marie Humblot Ferrero, directrice associée au BCG et co-auteur du rapport. Celles qui planifient leur transformation avec ambition et au bon rythme, en visant des objectifs adossés à la science, et qui embarquent leur marché seront motrices de l’évolution vers une économie plus responsable. »
La sobriété amène à réinventer les modèles économiques
S’engager vers davantage de sobriété suppose de revoir aussi bien la chaîne de valeur que la proposition de valeur. Et donc de diminuer l’empreinte de l’activité économique sur les ressources, de répondre de façon optimale aux besoins des clients en éliminant le superflu, de mettre en place des modes de production durables et d’inventer de nouveaux modèles de consommation.
Les dirigeants interrogés soulignent collectivement l’importance de considérer à la fois des démarches d’optimisation et des démarches de transformation, tout en gardant des objectifs long terme. Ils sont nombreux à identifier l’innovation technologique comme un levier important pour créer des modes d’usage plus sobres. Par ailleurs, pour réussir, un constat clé partagé par les dirigeants est la nécessité de collaborer avec toute la chaîne de valeur et de communiquer sur les premières réussites pour mobiliser les parties prenantes.
L’entreprise et ses écosystèmes doivent se transformer ensemble
La majorité des dirigeants interrogés estime que les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer en mettant en place des réglementations qui renforcent les contrôles et l’obligation de transparence. Certains évoquent l’importance de pouvoir évoluer dans un cadre international à l’abri des distorsions de concurrence, grâce à des approches globales en matière d’exigences environnementales. Les acteurs financiers sont également cités comme des partenaires indispensables, qui doivent tenir davantage compte de critères extra-financiers et soutenir les démarches de sobriété.
Intégrer les limites planétaires dans les processus de décision stratégiques, former les employés afin de renforcer leur mobilisation, aligner les intérêts des actionnaires sur les projets de long terme et construire une trajectoire ambitieuse et adaptée à l’entreprise s’avèrent enfin des ingrédients clés de la réussite d’une transformation sobre.
« Les entreprises qui sauront anticiper les évolutions de leurs parties prenantes et qui lanceront leur transformation sans attendre, en faisant de la sobriété un axe central de leur stratégie, seront à même de continuer à se développer alors que des régulations de plus en plus contraignantes se mettront en place et ce probablement plus rapidement que prévu. Pionnières, elles pourront aussi être des forces vives dans la réinvention globale à mener pour respecter les limites planétaires. » précise Michel Fredeau, directeur associé senior et co-auteur du rapport.
Audrey Marzouk
Tel 0616758137
Cette étude s’appuie sur les analyses du BCG et sur 20 entretiens menés avec les dirigeants français suivants : Alexandre Mérieux (bioMérieux), Paul du Saillant (EssilorLuxottica), Bernard Charlès (Dassault Systèmes), Pierre Barnabé (Soitec), Augustin de Romanet (ADP), Alexandre Ricard (Pernod Ricard), Florent Menegaux (Michelin), Philippe Poletti (Ardian), Marianne Laigneau (Enedis), Marc Prikazsky (CEVA Santé Animale), Christel Bories (Eramet), Eric Ducournau (Pierre Fabre), Sylvie Jéhanno (Dalkia), Frédéric Stevenin (PAI Partners), Benoit Bazin (Saint-Gobain), Guillaume Texier (Rexel), Olivier Laureau (Servier), Pierre Verzat (Systra), Olivier Andriès (Safran), Pascal Minault (Bouygues Construction).
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